Histoires de poules

Publié dans Articles Gaspésie , par Aude Buévoz

Quand on pense à produire soi-même une partie de nos aliments, avoir quelques poules à la maison pour des œufs frais est une idée populaire. Certaines choses sont toutefois bonnes à savoir avant d’accueillir les premiers volatiles. Notre ambassadrice Aude Buévoz partage les hauts et les bas de son aventure avec les poules à la maison ainsi que de précieux conseils pour s’y mettre.

Mes grands-parents ont toujours eu des poules. Aussi loin que mes souvenirs remontent, ils impliquent une certaine appréhension d’en trouver une en train de couver qui sera mécontente de se faire déranger au moment où je vais chercher les œufs, crainte souvent contrebalancée par un immense réconfort en mangeant un gâteau ou une crème glacée cuisinés avec des œufs frais tout droit sortis du poulailler.

Le début de ma vie d’adulte se résumant en petits appartements en ville et voyages à l’étranger, ce n’est pourtant qu’une fois établie en Gaspésie que j’ai eu l’occasion d’avoir, pour la première fois, mes propres poules à moi!… Une fois passée la fierté d’un tel accomplissement, force a été de constater que les poules, quand c’est toi qui t’en occupes, c’est de la job! En effet, de prime abord, avoir des poules, ça semble être s’assurer que celles-ci aient de la moulée et de l’eau et en contrepartie ramasser des œufs frais tous les jours. Dans les faits, il y a tellement plus que ça : bien-être, saine alimentation, soins, entretien du poulailler, sécurité face aux prédateurs… Une vraie job à temps plein!

Voici mon évolution au titre d’éleveuse-de-poules-aguerrie dans les 4 dernières années -il faut ici garder en tête que je vis avec 3 autres adultes responsables, imaginez donc l’ampleur de la tâche pour une personne seule! Je tiens aussi à préciser que nous avons à cœur le bien-être de nos animaux avant tout, et qu’il est difficile de gérer certaines situations lorsque l’abattage n’est pas une solution envisageable à priori – :

1re année, aucune connaissance en la matière
Nous n’avions pas d’installation hivernale pour les poules, mal préparé notre hiver et aucun lieu de pension pour nos belles et jeunes volailles… Qu’à cela ne tienne, nous allons faire la boucherie et manger nos poules de façon à ne pas gaspiller la viande. Nous avons donc fait appel à des amis ayant de l’expertise en la matière, mais 1. Manger une poule que tu as élevée, ce n’est pas facile. 2. Les poules pondeuses ne donnent pas la viande de meilleure qualité. L’expérience étant faite, la décision est prise : nous aurons une installation d’hiver l’année prochaine!

2e année, on apprend « à la dure »
Nouvelle « batch » de poules, nous n’en prenons que 2, une brune et une blanche (respectivement baptisées de façon tout à fait originale « Poule Brune » et « Poule Blanche »). Elles s’entendent bien, sortent toute la journée dans le jardin et rentrent sagement le soir se coucher, ne reste plus qu’à fermer le poulailler pour qu’elles soient en sécurité… Ce qu’on oublie de faire UN soir.

Réveil au milieu de la nuit à cause de cris du côté du poulailler, en arrivant sur les lieux, on ne trouve qu’une Poule Brune traumatisée, pas de trace de Poule Blanche. Tour du jardin à la frontale, rien. Tout le monde se recouche contrarié et coupable de ne pas avoir mis les volailles en sécurité. Au matin, une petite tache blanche dans le jardin à l’avant de la maison attire mon attention, je m’approche pour trouver, lovée sous un arbre, la face écorchée, mais encore en vie, Poule Blanche, la Survivante.

Après l’avoir mise en isolement dans le garage, bol d’eau, couverture et nourriture à proximité, je me mets en quête d’informations sur internet sur le soin des poules. Je m’abonne à 12 groupes Facebook d’échanges sur le sujet (« Poules et volailles du Québec », « Passion Volailles » et autres « Pour l’amour des poules », « Fan de poules », « Ultimate poules Crew » – j’en rajoute à peine!), on parle de vitamines, de repos, etc., mais rien de concret sur les blessures… C’est alors que je me rappelle une conversation 2 jours plus tôt avec une amie qui me disait que l’argile verte cicatrise tout, et me voilà assise à terre dans le garage, la poule sur les genoux, à lui faire un masque d’argile! Je découvre plusieurs plaies sous les ailes et sur le dos, que je badigeonne aussi. Je mélange du jus d’orange dans le bol d’eau et verse au goutte-à-goutte le mélange dans son bec. 4 jours de soins intensifs et de cataplasmes plus tard, la voilà sur pattes! Une semaine plus tard, elle réintègre le poulailler, et moins d’un mois plus tard toutes ses plumes ont repoussé.

À la saison hivernale, elles déménagent dans une nouvelle installation dans le garage : le frigoulailler – un frigo (isolé, donc!) aménagé avec une lampe chauffante et un accès à un espace ouvert plastifié pour garder la chaleur, avec de la paille et des perchoirs. Hôtel pour poules de luxe. Elles ne vont pas dehors, mais se dégourdissent les pattes dans leur espace ouvert, dans une chaleur relative par rapport au froid intense qui règne dehors cet hiver-là.

Et puis un beau jour quelque chose ne pas va avec Poule Brune. Elle reste prostrée, boit un peu, mais ne se nourrit plus… Clairement quelque chose ne va pas! En faisant une enquête mineure, on découvre des morceaux de coquilles et des restants d’œufs éclatés dans le couvoir, ce qui nous amène à une inspection plus détaillée et la conclusion suivante : ses œufs brisent à l’intérieur avant d’être expulsés. Aïe. J’appelle la vétérinaire (à noter ici que la vétérinaire ne prenait pas de rendez-vous pour les poules) qui me dit qu’il y a des risques de coupures et d’infection. Encore une recherche Internet et j’apprends que mettre les poules dans un bain d’eau chaude savonneuse leur permet de relaxer et de dilater leur cloaque pour permettre aux œufs de passer plus facilement en cas de problème. Me voilà donc dans ma salle de bain, un seau d’eau chaude dans la baignoire, à donner le bain à Poule Brune. Je passerais les détails sur la descente d’organes qu’il a fallu gérer, Poule Brune a fini par reprendre du poil de la bête et réintégrer le poulailler… Malheureusement elle a succombé quelques semaines plus tard, probablement aux suites du fâcheux évènement et du manque de prise en charge professionnel. On aura tout essayé. Poule Blanche finit son long hiver à l’intérieur seule, quelle déprime.

3e année : l’Année internationale du Renard
Poule Blanche reçoit 3 nouvelles amies, ce qui porte la basse-cour à 4 belles poules, et on commence à découvrir les joies de l’intégration de nouvelles poules dans des poulaillers déjà occupés… Gestion de la hiérarchie, intervention dans les chicanes – ou pas, selon les articles consultés -, isolement des unes et des autres, etc. Toute une histoire!

Au milieu de l’été mon coloc va chercher un canot au Nouveau-Brunswick et revient avec… Une majestueuse et énorme poule noire (qui sera nommée, vous l’aurez deviné, « Poule Noire » (« Aimer d’amour, c’est aimer comme moi je t’aiiiiiimeeeee »)) qui lui a été offerte en supplément du canot (ils ont de drôles de coutumes, au Nouveau-Brunswick! ???? ) et doit à son tour faire sa place dans la gang.

Nouvelle hiérarchie à établir, retour à la case départ! Nous voilà avec 5 poules.
Mais c’est sans compter sur l’Année internationale du Renard dans la Baie-des-Chaleurs : en plein après-midi, un beau mardi ensoleillé, en pleine pandémie alors que je m’apprête à me connecter à une rencontre d’équipe en ligne, branle-bas de combat général dans le jardin : les corbeaux et les poules s’époumonent, piaillent, coassent. Je sors voir ce qu’il se passe pour tomber face à face avec un renard, ma poule brune dans la bouche, qui me regarde droit dans les yeux. Me voyant approcher il prend peur et s’en va, abandonnant la pauvre poule agonisante sur la pelouse… Elle mourra quelques minutes plus tard dans mes bras et aura une sépulture digne de ce nom au retour des colocs. C’est évidemment toute une histoire pour rapatrier les autres, elles sont éparpillées et cachées dans tous les buissons du terrain. C’est évident aussi que mon équipe de travail a dû se passer de moi cet après-midi-là à la suite de cet épisode traumatisant.
Renard – 1. Éleveurs de poules – 0.

Nous déménageons, nous faisons donner une autre poule, réintégrons tout le monde (et hop, on repart de zéro!). Étant beaucoup plus proches de la 132, pas de crainte du renard, jusqu’à ce que la nouvelle poule (« Poule Laitte », je vous laisse deviner son trait distinctif…) manque à l’appel par une belle et chaude soirée d’été.
Renard – 2. Éleveurs de poules – 0.

Nous décidons donc de ne plus les faire sortir que si nous sommes là, mais comme ce ne sont pas les plus dociles, pas facile de les faire rentrer lorsque nous partons. Résultat : deux autres (dont ma Poule Blanche – la Survivante – qui avait vécu tant de mésaventures, quelle triste fin!) sont emportées par un renard dans la même journée.

Il pousse même l’audace jusqu’à venir s’assoir au fond du jardin et nous regarder en faisant sa toilette le soir même alors que nous portons un toast aux deux disparues.
Renard – 4. Éleveurs de poules – 0. – Game Over.

Poule Noire se retrouve orpheline. Et nous, nous sommes bien désespérés. En apprenant que deux autres amies se sont elles aussi fait ravager 90% de leur élevage, on reprend un peu espoir dans nos compétences d’éleveurs, il semble que les renards soient particulièrement agressifs cette année. Poule Noire s’en va donc rejoindre une autre basse-cour décimée après la consolidation du poulailler d’accueil et nous, nous n’avons plus de poule!

4e année – 2021 – nouvelle année, nouvelles habitudes
Cette année c’est décidé : nous n’habituerons pas les poules à aller se promener au jardin. Nous construisons une extension au poulailler et réorganisons l’intérieur de la cabane, de façon à ce qu’elles aient suffisamment d’espace, de l’ombre, un coin où gratter la terre (on y ajoute de la paille régulièrement pour leur permettre de fouiller dedans), un coin bouffe et un abri sain et spacieux pour pondre et dormir confortablement. On est all-set, comme on dit!

Nous commandons 4 nouvelles poules à la Coop et rapatrions la belle Poule Noire le même jour de façon à ce qu’il n’y ait pas d’intégration à faire (pas fous : on apprend de nos erreurs!).

La basse-cour est à nouveau complète avec 5 belles jeunes poules : 2 brunes, 2 blanches et l’incontournable Poule Noire. Les nouvelles ne sont pas encore baptisées, on essaie de ne pas trop s’y attacher… au cas où! Mais ça devrait bien aller : le poulailler est bien sécurisé, les poules reçoivent chaque jour leur ration de verdure du jardin ou de pissenlits, des graines diverses ainsi que des restes de table pour diversifier leur alimentation, et elles ont suffisamment d’espace pour se dégourdir.

Cet automne on fera une petite job d’isolation pour éviter les courants d’air et cet hiver on installera les lampes chauffantes à l’intérieur, et un toit sur la volière si elles veulent sortir prendre l’air…

Je pense qu’on a trouvé la solution idéale… Jusqu’à la prochaine aventure!

Fun fact : au début de cet été, mon amie qui hébergeait Poule Noire a eu une poule blessée, Colette, qu’elle a soignée à l’argile verte et qui s’en sort à présent très bien. Je ne sais pas si le remède et universel, mais pour celles qui en ont bénéficié à ma connaissance, pour l’instant c’est du 100% de réussite!